1. Définition et cadre théorique
Selon Schmid et Köpke (2007), l’attrition linguistique est un processus de
perte partielle ou totale d’une langue chez un individu ou une communauté,
généralement dû à un manque d’usage et d’exposition. Cette diminution des
compétences linguistiques peut concerner différents aspects, notamment le
vocabulaire, la grammaire, la phonologie et la fluidité de l’expression.
2. L’attrition individuelle chez les locuteurs
bilingues
L’attrition linguistique se manifeste souvent chez les locuteurs bilingues,
notamment lorsque la langue maternelle est progressivement supplantée par une
langue dominante. Paradis (2004) explique que cette perte est liée à une
inhibition active de la langue d’origine, qui favorise plutôt l’activation de
la langue seconde.
Schmid (2011) ajoute que la récupération d’une langue attritée est
possible, bien que plusieurs facteurs influencent cette capacité, notamment
l’âge d’acquisition de la langue seconde, l’environnement linguistique et la
motivation individuelle.
De nombreux locuteurs haïtiens ayant vécu plusieurs années dans des pays où leur langue maternelle n'est pas dominante – comme au Chili, au Brésil, en République dominicaine, en Turquie, aux Bahamas, aux îles Turques-et-Caïques, en France, ou même dans certaines zones reculées d’Haïti – se retrouvent en situation d’attrition linguistique. L’usage restreint du créole dans leur quotidien entraîne une diminution progressive de leur compétence linguistique, ce qui peut affecter leur capacité à s’exprimer avec fluidité ou à mobiliser certains aspects du lexique et de la grammaire. Ce phénomène s’observe dans des localités frontalières
3. L’attrition communautaire et la disparition des
langues
Fishman (1991) a étudié la disparition des langues minoritaires sous
l’effet des pressions économiques et sociales. Il observe que l’attrition
linguistique précède généralement la mort d’une langue lorsque les nouvelles
générations cessent de la parler.
Dorian (1981) a documenté la régression du gaélique écossais en Écosse et
aux États-Unis, soulignant que les derniers locuteurs adoptaient des structures
grammaticales simplifiées et un lexique réduit.
4. Facteurs influençant l’attrition linguistique
L’attrition linguistique est influencée par plusieurs facteurs :
- Facteurs
psycholinguistiques :
L’âge d’acquisition de la langue seconde, la fréquence d’usage et
l’inhibition de la langue maternelle jouent un rôle crucial dans le
maintien ou la perte des compétences linguistiques (Schmid & Köpke,
2017).
- Facteurs
sociolinguistiques :
La pression culturelle, la stigmatisation sociale et l’absence de
transmission intergénérationnelle sont des éléments déterminants dans
l’abandon d’une langue (Fishman, 1991).
- Facteurs
neurologiques : La
plasticité cérébrale influence la capacité d’un individu à maintenir ou à
réactiver une langue en déclin (Paradis, 2004).
Références
Schmid, M. S., & Köpke, B. (2007). "Bilingualism and
attrition." Handbook of Multilingualism and Multilingual Communication,
105-118.
Schmid, M. S., & Köpke, B. (2017). "The relevance of first language
attrition to theories of bilingual development." Linguistic Approaches
to Bilingualism, 7(6), 637-667.
Paradis, M. (2004). A Neurolinguistic Theory of Bilingualism. John
Benjamins.
Schmid, M. S. (2011). Language Attrition. Cambridge University Press.
Fishman, J. A. (1991). Reversing Language Shift: Theoretical and Empirical
Foundations of Assistance to Threatened Languages. Multilingual Matters.
Dorian, N. C. (1981). Language Death: The Life Cycle of a Scottish Gaelic
Dialect. University of Pennsylvania Press.
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